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es spécialistes
L'archéologie est une science pluridisciplinaire dans laquelle interviennent de nombreux spécialistes, avec des méthodes propres à chaque domaine. Quelques spécialités mises en œuvre dans le programme de fouille de Menez-Dregan I sont présentées ici.
Étude des outils taillés en pierre : techniques employées, moyens utilisés, procédés mis en œuvre, et objectifs de production. Tailler, c’est avant tout fracturer une roche de manière méthodique, en utilisant un ensemble de processus et de connaissances. (Figure issue de "Technologie de la pierre taillée" de M.-T. Inizan, H. Roche, J. Tixier et M. Reduron)
La topographie permet de représenter le terrain à toutes les étapes de la fouille, et de faire figurer sur un plan l’ensemble des objets archéologiques découverts et des structures fouillées. Les levés topographiques sont réalisés à l’aide d’un tachéomètre, qui enregistre pour chaque objet les coordonnées spatiales x, y et z (abscisse, ordonnée et hauteur), afin de restituer l’emplacement de chaque découverte sur un plan d’ensemble de la fouille. (@ A.-L. Ravon)
Étude des grains de pollen et des spores. La palynologie permet de déterminer l'identité de la plante (espèce, genre, famille) qui a produit le pollen en fonction des caractères morphologiques du grain observé. La palynologie permet ainsi de connaitre l'environnement végétal du site, et l'influence de l'homme sur l'évolution de la végétation.
Il s’agit de l’étude des charbons de bois. L’anthracologue s’intéresse aux relations entre l’homme et son milieu, son objet d’étude concerne les usages du bois. Les charbons de bois recueillis au cours des fouilles archéologiques et issus du bois de combustible domestique aident à comprendre l’histoire et l’évolution des paysages depuis les périodes anciennes, et peuvent aussi permettre de mettre en évidence des choix de bois combustibles. (@ J.-L. Monnier)
La géoarchéologie est la discipline qui étudie les sédiments archéologiques ; il s’agit de l’approche géologique d'un site archéologique. Le géoarchéologue définit la succession stratigraphique du site, ainsi que l’histoire de la mise en place des dépôts sédimentaires. (@ A.-L. Ravon)
Étude de la forme des paysages, de leur mise en place ainsi que de leur évolution, afin de reconstituer l’environnement géographique et végétal d’un site et ainsi d’évaluer les modifications éventuelles effectuées ou subies par les populations humaines du passé. Le géomorphologue étudie la succession des couches du sol (stratigraphie), ses observations lui permettent de reconstituer les paysages anciens et de comprendre l’environnement dans lequel les hommes ont évolué. (@ A.-L. Ravon)
Le but de la paléoparasitologie est la mise en évidence d’œufs de parasites intestinaux de l’homme ou des animaux, afin d’apporter des informations sur l’état de santé des populations ainsi que sur leurs conditions de vie (hygiène, alimentation…). Ces analyses fournissent en outre des indices de présences humaines et animales dans les structures et les unités stratigraphiques étudiées.
La paléogénétique est une discipline qui s'intéresse à la récupération et à l'analyse de l'ADN des organismes du passé à partir de leurs restes fossiles. A Menez-Dregan, la paléogénétique a permis d'identifier certains restes osseux très dégradés, comme un Équidé ou un Périssodactyle. (@ J.-L. Monnier)
Numériser des artefacts permet de les documenter, de les classer et de les mesurer ou de les analyser avec précision. Cela permet également de les partager au sein de la communauté de chercheurs. (@ A.-L. Ravon)
La post-fouille consiste à traiter tout le mobilier archéologique sorti lors de la fouille, et regroupe toutes les activités autour des artefacts : lavage, marquage, reconditionnement des objets pour archivage, travail sur base de données, prise de photographies, et tri des données. (@ A.-L. Ravon)
es méthodes de datations
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On distingue les datations relatives, où l'on estime un calage chronologique d'un élément par rapport à un autre (c'est le cas de la stratigraphie, de la typologie, ou encore de la biochronologie par exemple), des datations absolues, où l'on obtient une date par une mesure. Plusieurs méthodes de datations absolues existent, et diffèrent selon leur portée chronologique ou selon l'objet qu'elles sont en mesure de dater.
Sur le site de Menez-Dregan, étant donné que les très rares os retrouvés sont trop abîmés, on ne peut pas les dater. Seuls les sédiments et les pierres chauffées peuvent alors être datés. De plus, le site est aussi très ancien, puisqu'il a été occupé par l'Homme entre 500 000 et 300 000 ans environ : on ne peut donc pas utiliser toutes les méthodes de datation disponibles (par exemple, le Carbone 14 ne peut dater que jusqu'à 50 000 ans).
Les méthodes de datations absolues que l'on peut utiliser à Menez-Dregan sont dites paléodosimétriques, car il s'agit de mesurer l'exposition à un rayonnement. Il s'agit de l'ESR, de l'OSL, de l'IR-RF ou de la TL.
L'ESR (Electron Spin Resonance, ou Résonance de Spin Électronique) fonctionne sur les niveaux sableux de Menez-Dregan, puisque ce sont les grains de quartz qui sont datés. Cette méthode peut remonter jusqu'à plus d'1 million d'années.
L'OSL (Luminescence Stimulée Optiquement) date la dernière exposition à la lumière du soleil d'un sédiment avant son enfouissement. Cette méthode fonctionne donc sur des sédiments qui auront été recouverts rapidement dans le passé. L'OSL peut remonter jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'années dans certains contextes.
L'IR-RF (Radiofluorescence Infra Rouge des Feldspaths) fonctionne sur le même principe que l'OSL, mais sur les feldspaths, ces petits minéraux qui ressemblent à du quartz, et que l'on retrouve dans la roche qui forme la grotte de Menez-Dregan. Ces petits minéraux se retrouvent dans toutes les strates de Menez-Dregan.
La TL (Thermoluminescence) permet de dater les minéraux chauffés à une température suffisante dans le passé. Sur le site de Menez-Dregan, il s'agit par exemple de silex chauffés. Elle permet de remonter jusqu'à environ 500 000 ans.
En fonction des contextes et des matériaux datés, la marge de précision de chaque datation est très variable. Pour Menez-Dregan, les sédiments datés sont en contexte granitique (roche de la grotte) naturellement radioactif, ce qui perturbe les signaux de mesure. Ainsi, la couche 9 est par exemple datée de 465 000 ans +/- 65 000 ans, ce qui signifie aussi bien 400 000 ans que 530 000 ans : la valeur moyenne est alors conservée, et affinée de manière relative, par exemple en comparant avec les données stratigraphiques, typologiques ou paléoenvironnementales (type de végétation lors de l'occupation humaine, distance au rivage, etc...).